Buet de secours
A l’aide, au secours ! Bientôt un mois sans montagne à cause de cette météo précipitée; on n’en peut plus. Enfin un créneau de beau temps; Alex déclenche l’opération « sortons nos peaux » (= « sauvons nos peaux » !) et Stéphanie (B) et Bibi embrayons et posons notre vendredi pour une escapade salvatrice. Stéphanie a tranché la destination: ce sera le Buet. Enfin un recours pour nos skis à la semelle desséchées.
Le ciel est bleu, l’air est frais et la route est large; nous sommes les premiers dans le long vallon qui mène au refuge Bérard qui doit être sous 2 mètres de neige. Entre le vent qui a par endroits recouvert l’itinéraire et la neige tombée pendant la nuit il nous faut refaire une bonne partie de la trace jusqu’au sommet.
Mais nous n’en sommes pas encore là; car nous avons la chance pendant l’ascension de pouvoir admirer une Chamois et son éterle ou son éterlou (on n’est pas allé vérifier) puis un renard fureteur et enfin un grand rapace bien haut dans le ciel.
Sur la fin les hommes faiblissent – comme souvent me direz-vous – et c’est donc Stéphanie qui nous fait la trace jusqu’au sommet qu’elle atteint sans peine pendant qu’un vent capricieux picote les joues. Alex: « je ne sais pas pour vous mais en ce qui me concerne cela ne s’est pas fait tout seul. J’ai dû m’impliquer ». Le gus n’a pas l’habitude de tirer sur la couenne; il faut dire qu’il a fait cette saison en tout et pour tout deux sorties, et ce n’était pas hier… Quant à moi j’essaye de me donner une contenance pour faire illusion. Poser des questions courtes qui appellent de longues réponses. Faire parler les autres quand on tente de retrouver son souffle. On est un fumiste, euh pardon, on est un Gumiste ou en n’en est pas !
Descente sans encombre dans une neige variable puis dans une bonne poudreuse tassée. Pauses fréquentes tout de même car les cuisses pâtissent.
Fin de balade mais pas fin de la virée car l’Hôtel du Buet et sa fameuse terrasse nous tendent les bières. Info pour les habitués: cette année ils ont ajouté une pièce sur la terrasse. Un igloo ! Aménagé avec couvertures sur les banquettes – de neige – et table basse – en neige – sur laquelle trône un cendrier « 51 ». N’eut été le magnifique soleil et notre carence en UV nous aurions testé ce salon temporaire.
La première bière est bonne. Les suivantes aussi. Elles commencent à me transporter ailleurs et je me remémore alors ma rencontre avec Alex. Il faut que je vous narre cet épisode.
On a récupéré Alex un jour dans les rues de Cham’. On ne le connaissait pas encore. Il faisait la manche, habillé en loques (j’ai retrouvé une photo que je joins à ce compte-rendu); sa plus belle toque étant cette polaire de La Poste qu’un facteur pris de pitié lui avait donnée alors qu’il faisait sa tournée en motoneige climatisée (on était à Cham’). Ce jour là on l’avait emmené avec nous sur le Buet et il s’en était tellement bien sorti qu’on avait décidé d’une part de lui payer une bière mais aussi de lui donner une chance au Gums, un club qui sait aussi faire oeuvre sociale.
Quand j’évoque à Alex ce souvenir lointain (c’était en 1998) il nous narre la façon dont il avait rejoint Chamonix et ça aussi cela vaut le détour: « Sans bourse délier, je quittai Annecy sur le coup de midi, caché dans un train de marchandises, par une belle journée de la fin Avril. Étendu sur une plate-forme roulante, mon sac sous la nuque, les genoux croisés haut, je me laissai absorber par la contemplation des nuages tandis que le convoi roulait vers l’Est. L’omnibus qui m’emportait me permettrait d’arriver avant la nuit à Chamonix où je me proposais de dormir dans un igloo. »
Aux clochards célestes, aux vagabonds des cimes, à notre petite part de bohème, à cette légèreté profonde qu’on ressent parfois quand on partage une belle échappée en plein air avec des amis, une éterle et un renard.
PS: en fin de parcours toute ressemblance avec une œuvre de Jack Kerouac n’est peut-être pas fortuite…
Jack Kerouac… en voila une belle référence…total respect !!! Claude